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Foot

La performance du football : seul et sans ballon

Origine du projet

Le projet de la performance est né d’un souvenir personnel, d’une mémoire intime : enfant, Massimo Furlan jouait dans sa chambre pendant des heures avec une balle en mousse, en écoutant sur une petite radio les radiocronisti qui commentaient en direct les matchs du championnat italien. Il mimait alors toutes les actions des joueurs, et, lorsque le commentaire était coupé à cause de la mauvaise qualité de retransmission, il reprenait le fil du discours et profitait d’y insérer son nom. Il est devenu ainsi champion du monde, maintes et maintes fois, marquant un nombre incalculable de buts.

La première fois

Mais très vite ce projet, qui avait pour origine un souvenir intime, est devenu, dès lors qu’il a été raconté et partagé avec une équipe de production, un projet collectif. Le foot est sorti de la chambre pour rejoindre un terrain réel, le joueur a endossé un maillot, devant un public: pour la première fois le 7 décembre 2002, dans le cadre du Festival Les Urbaines, au stade de la Pontaise, à Lausanne. Massimo Furlan avait endossé les couleurs de l’Italie, il était le joueur numéro 23. Le script de la performance était la finale Italie-Allemagne du championnat du monde 1982, qui se termina sur la victoire de l’Italie. Il s’agissait de refaire, seul et sans ballon, la totalité de ce match, dans toute sa dramaturgie. Avec le récit en direct de Jean-Jacques Tillmann, ancien commentateur de la télévision suisse romande, et sous les yeux d’un public qui revivait le match avec lui, en endossant le rôle des supporters.

À chaque fois une nouvelle partie

Le principe des performances liées au football, concerne toujours la mémoire d’un lieu, d’une communauté, d’un pays. Elle se construit autour d’un match qui est resté dans les mémoires et qui a contribué à construire une identité, à inscrire un récit dans la mémoire collective.
Massimo Furlan a été invité par plusieurs lieux (Paris, Marseille, Vienne, Hambourg, Varsovie, Porto, Seoul…), dans le cadre d’un festival d’arts vivants le plus souvent. À chaque fois, il a identifié le match le plus significatif pour le pays en question, ou pour la région. Il a choisi ensuite le joueur qu’il allait incarner, déterminant pour la partie en question : Platini, Boniek, Sparwasser, Madjer… La performance s’est toujours jouée dans un stade.

Le travail de préparation

Concernant le travail de préparation, il s’agit pour Massimo Furlan d’apprendre le match par cœur, et de le visionner inlassablement dans le but de repérer les déplacements du joueur. Il note tous les mouvements et les actions du joueur afin de les reproduire, d’en saisir la partition, et de les reproduire ensuite, en quelque sorte comme une chorégraphie. Il enregistre alors son propre commentaire décrivant les actions du joueur, qui passera dans une oreillette au moment de la performance, afin de se souvenir des multiples actions. Il doit aussi se préparer physiquement pour tenir toute la durée de la partie, avec ses courses, accélérations, arrêts, chutes, etc.
Au moment de la performance, le match est commenté en direct, dans le stade, par un commentateur sportif de radio ou de télévision, spécialiste de foot, et qui joue le jeu au même titre que le performeur, dans le gradin du stade : faire revivre un événement du passé, le refaire au présent.

1 joueur, 21 fantômes

La partie se rejoue en entier et dans toutes ses péripéties. Le temps est en quelque sorte annulé – il s’agit d’une reprise, d’une répétition, une espèce de « revenance » : le joueur traverse le terrain sous le regard des spectateurs, seul et sans ballon, au milieu de 21 fantômes. Chacun revit et revoit alors la partie, écoute le récit qui lui est à nouveau conté, par l’intermédiaire d’une petite radio qui transmet le commentaire en direct, et qui lui permet de suivre l’action. C’est une histoire dont chacun connaît le déroulement et la fin (le score), mais une histoire qui semble aussi à chaque fois passible de nouveaux rebondissements, de surprises : elle se tient sur le fil, vertigineuse, comme si à chaque instant, la victoire ou la défaite pouvaient survenir et modifier le cours de l’histoire. On pourrait dire que le spectateur se trouve dans le position de l’enfant auquel on raconte encore et encore la même histoire, à sa demande, parce qu’il s’agit pour lui de vérifier si celle-ci est toujours identique, si tout est à sa place, pour le plaisir de la répétition, mais aussi peut-être afin de découvrir si, par quelque hasard merveilleux, un changement imperceptible ne serait pas advenu.